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Viticulture
21/11/2017 -

Un millésime d’enfer

Un millésime d’enfer

Gelées de Printemps, sécheresse, précocité exceptionnelle dès le débourrement ont généré la plus petite récolte jamais connue sur les vignobles méridionaux. Retour en détails sur ce « millésime d’enfer ».

Les vendanges 2017 se sont terminées très tôt dans la majorité des cas. Les premiers vins sont prometteurs, avec des blancs plutôt réussis, et des rouges plus inégaux. Avec la conjugaison de la plus petite récolte jamais connue sur la région, due à la sécheresse et aux gelées de printemps, et d’un millésime exceptionnellement précoce dès le débourrement, rien d’étonnant à cela.

 

Météo : des saints de glace aux feux de l’été

 

Les terribles gelées de printemps (deux périodes de froid en avril, du 19 au 21, puis du 29 et 30) qui ont frappé toute la France, n’ont pas épargné le pourtour méditerranéen.

Ces gelées ont été particulièrement dévastatrices, car la vigne était très avancée pour la date, et donc plus sensible. Même si les dégâts étaient parfois diffus, avec localement un fort impact en fonction des façons culturales (les vignes enherbées ou fraîchement labourées étaient touchées, contrairement à leurs voisines), le gel a déjà donné un premier coup de ciseau sérieux dans la récolte. Beaucoup de parcelles gelées n’ont pas produit de raisin ensuite.

 

Au-delà des dégâts directs de destruction, le gel et la période de froid qui a suivi ont été à l’origine d’une coulure marquée, en particulier sur Grenache et Merlot, dont l’impact n’a pu être évalué que plus tard, au cours de l’été.

 

Sur le plan pluviométrique, la situation était très tranchée au printemps.

 

A l’ouest, les vignobles du Languedoc ont bénéficié de pluies hivernales abondantes, et la vigne a commencé à pousser dans d’excellentes conditions hydriques. Malgré l’absence de pluie en avril et mai, les pluies de juin ont permis d’assurer une alimentation hydrique normale jusqu’à la véraison.

 

A l’est, en Provence et Vallée du Rhône, la sécheresse a commencé dès l’hiver, et le vignoble n’a connu quasiment aucune pluie ensuite. Les symptômes de rationnement hydrique, puis de stress hydrique sont apparus très tôt. La végétation a énormément souffert, et c’est dans cette région que les incendies de forêt ont proliféré pendant l’été.

 

L’été a mis les deux régions au même régime sec, un peu plus sévère en Provence. Et partout, on a commencé à voir du stress hydrique en août, notamment à l’occasion d’une forte canicule accompagnée d’un violent mistral fin juillet début août. Même s’il n’a pas plu ensuite, les entrées maritimes de fin août et début septembre ont permis à la vigne de temporiser, et d’enrayer en partie le développement rapide du stress hydrique observé à la mi-août.

 

 

Les conséquences du gel : destruction de récolte et hétérogénéité

 

 

 Le gel a touché en priorité des bas fonds ou des bords de rivière, où l’air froid s’est accumulé. Les cépages les plus précoces et les plus avancés ont été les plus touchés. Localement, les facteurs culturaux (présence d’herbe, sols récemment travaillés) ont accentué les dégâts, certaines vignes étant touchées, alors que les voisines étaient épargnées.

 

 

 

A cause du froid qui a suivi en mai, les vignes ont mis du temps à redémarrer. Ainsi, fin mai, ce Merlot à droite présente un net retard sur le Cabernet sauvignon de gauche, qui n’a pas été touché, car plus tardif au débourrement, et donc avec un feuillage moins développé et moins sensible lors du gel. Sur les cordons taillés courts, tous les yeux des coursons ont été détruits, et ce sont les bourgeons du vieux bois qui sont repartis, donnant cet aspect touffu. Sur les Guyots ou les tailles mécaniques, ce sont des yeux fructifères non débourrés qui sont repartis, ce qui a atténué la destruction de récolte.

 

 

 

Sur les vignes partiellement touchées (cas très fréquent), il y a eu un gros décalage entre les inflorescences primaires, rescapées du gel, et celles qui ont poussé ensuite sur les contre bourgeons, qui avaient 3 semaines de retard. Alors que les premières étaient en plein floraison, les dernières étaient au stade G, boutons gloraux agglomérés. Plus tard, les premières étaient bien avancées dans la maturité, alors que les secondes étaient à peine au stade fermeture.

Ces vignes ont été caractérisées par une très forte hétérogénéité de maturité, qui a pénalisé la qualité de la récolte. C’est la double peine : pertes en quantité et en qualité.

 

 

Une précocité exceptionnelle dès le débourrement

 

Le débourrement a été exceptionnellement précoce, suite à un hiver très doux. Le 20 mars, la plupart des vignes de la région avaient ou commençaient à débourrer.

 

Malgré la fraîcheur en mai, le développement de la vigne se poursuivait au grand galop. Après une floraison précoce, un mois de juin caniculaire a déclenché une véraison historiquement précoce, dès le début juillet (fin juin sur les Muscats).

Fin juillet, toutes les vignes avaient véré, y compris dans les secteurs tardifs.

A se demander s’il ne faudra pas parler de « juillettement » au lieu de « aoutement » pour parler de la véraison !

 

Après une véraison historiquement précoce, les chaleurs estivales, combinées à une faible récolte, ont entraîné une maturation très rapide, accentuée par une forte concentration.

 

 

Une sortie en baisse

 

Les comptages d’inflorescences réalisés sur le référentiel du Centre ICV de Nîmes (150 parcelles) montrent en 2017 une sortie en nette baisse par rapport à 2016 et aux 5 dernières années.

 

 

 

Le phénomène a touché de façon spectaculaire les Chardonnay et les Cabernet sauvignon (-15 à -17 % par rapport à la moyenne des 5 dernières années), mais également les Merlot.

 

 

Cépage

Sortie 2017

Moyenne 2013 à 2017

Evolution / moyenne

CABERNET S

17.58

20.69

- 15 %

CHARDONNAY

14.92

18.07

- 17 %

GRENACHE N

15.53

15.32

+ 1 %

MERLOT

18.64

19.94

- 7 %

SAUVIGNON

19.55

20.87

6.36

SYRAH

14.45

15.59

7.32

 

 

Une concentration brutale et précoce

 

Alors que le poids moyen des baies, tout en restant petit, était supérieur à celui de 2016 au début de la maturation, le grossissement des baies s’est arrêté rapidement, et on a assisté à une perte spectaculaire et généralisée de jus à l’occasion d’une période de canicule et de mistral, vers le 15 août.

Au final, le poids des baies à la récolte en 2017 était comparable à inférieur à celui de 2016, déjà très faible.

 

 

 

Ce phénomène de concentration en cours de maturation, jamais observé dans notre région, se produit pour la deuxième année consécutive.

En 2016, il s’était manifesté début septembre, et avait concerné les Merlot et les Syrah, épargnant les cépages tardifs (Carignan, Cabernet).

En 2017, il est survenu 10 jours plus tôt, et a concerné l’ensemble des cépages. Seules les parcelles irriguées ont échappé à ce phénomène, quand l’irrigation a été maintenue au-delà du 15/8, ce qui est contraire à la législation, mais nécessaire cette année au vu de l’état hydrique des vignes.

 

Cépage

Poids des baies le 21/08/2017

Perte de poids depuis le 15/8/2017

Poids des baies le 01/09/2016

Evolution du poids entre  le 29/8/2016 et le 1/09/2016

Cabernet

228

-      2%

213

+ 2 %

Carignan

330

-      4 %

351

+ 10 %

Grenache

361

0 %

351

+ 3 %

Merlot

269

-      8 %

265

-      7 %

Syrah

322

-      6 %

327

-      9 %

 

 

 Une récolte historiquement basse

 

Conséquence logique de cette terrible équation : faible sortie + coulure + sécheresse + gelées de printemps, la région a connu sa plus petite récolte depuis plus de 70 ans.

 

Cette récolte minuscule s’inscrit dans une séquence de petites récoltes : depuis 2011, toutes les récoltes ont été inférieures à la moyenne 2006-2016.

 

Economiquement, elle place de nombreuses exploitations (qui peuvent avoir perdu plus de 50 % de récolte, en particulier dans les secteurs gelés) dans une situation critique, qui pourra être atténuée par une hausse des cours des vins du millésime 2017.

 

 

 

 

Record historique dans l'Hérault avec une récolte 2017 inférieure à 4 millions hl, soit un recul de près de 15% vs 2016 et de 23% par rapport à la moyenne des 10 dernières années.

Dans le Gard, c'est également la plus petite récolte dans l'histoire du département avec un peu moins de 2,5 millions hl (-27% vs 2016 et -26% par rapport à la moyenne décennale).

 

Dans l'Aude, la baisse concerne tous les secteurs, notamment le Narbonnais et les Corbières.

Seul le département des Pyrénées Orientales bénéficie d'une progression de 5% par rapport à un millésime 2016 qui était particulièrement faible.

En vallée du Rhône et en Provence, la tendance est similaire vs 2016 :

  • Ardèche : -40%
  • Vaucluse : -40%
  • Bouches du Rhône : -30%
  • Var : -25%

 

Un excellent état sanitaire

 

Malgré quelques dégâts de mildiou plutôt vivaces sur le littoral languedocien (conséquence des pluies printanières et de nombreuses entrées maritimes), le vignoble a été très sain dans l’ensemble.

La pression d’oïdium a été forte, mais les dégâts peu importants. Il y a eu peu de dégâts de vers de la grappe, sauf tardivement (dégâts fin aout et début septembre) sur certaines zones Le raisin a été très sain, avec très peu de botrytis et de pourriture acide, un peu plus d’Aspergillus.

 

Les principaux dégâts observés sont souvent dus aux sangliers, qui se sont souvent réfugiés très tôt dans les vignes pour s’abreuver de jus de raisin à cause de la sécheresse. On a aussi observé du passerillage et des brulures avec des goûts de cuit suite aux forts rayonnements et chaleurs de fin aout et début septembre

 

Une récolte très précoce

 

La récolte a commencé très tôt, bien avant le 15/8 pour les blancs dans de nombreux secteurs.

A la cave expérimentale du Groupe ICV, le premier Chardonnay a été vendangé (à environ 12 % vol) le 31/7/2017, soit près d’une semaine plus tôt que les années les plus précoces (2003, 2009, 2014).

 

2017 a 25 jours d’avance sur 2013, ce qui au-delà la tendance à la précocité depuis près de 20 ans, montre l’extrême variabilité que l’on semble connaître depuis quelques années.

 

A la cave expérimentale, comme dans de nombreuses caves du littoral, la grande majorité des raisins a été récoltée en août. A la mi-septembre, seules quelques vignes dans des secteurs tardifs n’étaient pas vendangées, et rares ont été les parcelles vendangées en octobre.

 

 

 

Une maturité technologique rapide

 

2017 est le millésime le plus précoce jamais observé sur l’Observatoire ICV du Millésime.

Il a commencé début août aussi précoce que 2003, record historique jusqu’à présent. Mais à la différence de 2003, le feuillage était encore très actif, et le chargement en sucres des feuilles vers le raisin très intense, alors qu’en 2003, la maturité était bloquée dès le début, et les degrés potentiels élevés observés étaient dus uniquement à de la concentration.

En 2017, les degrés potentiels ont continué à monter régulièrement, pour devenir à partir du 10 août de loin le millésime le plus précoce, avec près d’une semaine d’avance sur 2003 (et 1 mois sur 2013…).

 

Le chargement en sucres s’est arrêté vers le 15/8, à un niveau moyen, comparable à celui de 2016, mais avec un arrêt beaucoup plus précoce.

 

Le feuillage était plus actif qu’en 2016 début août, et la maturation très active, mais la période de canicule et de vent sec de la mi août a entièrement bloqué l’activité chlorophyllienne , sauf sur les parcelles irriguées.

 

 

Avec une certaine acidité.

 

Bien que très chaud, le millésime 2017 a conservé un niveau élevé d’acide malique, car le rationnement hydrique est survenu assez tardivement, après la véraison. Auparavant, le bon état du feuillage a permis une bonne synthèse de l’acide malique, ainsi que de l’azote assimilable.

 

2017 est en cela atypique : la sécheresse a affecté le jus, mais a préservé l’acidité. Celle-ci est fortement dominée par l’acide malique : le niveau relatif d’acide tartrique est le plus élevé mesuré depuis les 5 dernières années

 

 

 

 

Un potentiel phénolique intéressant, mais avec une maturité tardive

 

Sur les cépages rouges, l’accumulation des anthocyanes s’est poursuivie longtemps après l’arrêt du chargement en sucres, et il a fallu attendre des degrés potentiels élevés pour obtenir des niveaux de coloration conséquents, avec une bonne extractibilité.

Les teneurs en polyphénols totaux étaient très élevées, avec une forte présence des tanins des pépins (MP élevé). Ce n’est qu’à des degrés élevés que ceux-ci se sont atténués.

A la dégustation, les pellicules sont restées dures et herbacées longtemps.

 

Une bonne gestion des maturités sur les rouges a souvent imposé de faire une pause une fois les blancs et les rosés vendangés, avant de reprendre la récolte des rouges. Les premiers rouges vendangés à des maturités un peu faibles (proches de 12 % vol en degré potentiel pourtant) se sont souvent révélés décevants en cuves, manquant de couleur et de volume, avec des notes herbacées et asséchantes.

 

 

Caractéristiques phénoliques des Cabernets sauvignons de l’Observatoire du Millésime

 

Un millésime d’enfer ?

 

Les vins 2017 sont « d’enfer » sur le plan qualitatif. Mais il est à craindre que cette année soit aussi une année d’enfer économique pour de nombreux vignerons, à cause d’une très petite récolte qui succède à plusieurs années de petites récoltes et aux méventes du millésime précédent.

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